움베르트 에코 사망

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Umberto Eco, auteur du « Nom de la rose » : mort du plus lettré des rêveurs

Le Monde.fr | 20.02.2016 à 01h33 • Mis à jour le 20.02.2016 à 09h51 |

Par Philippe-Jean Catinchi

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L'écrivain s'était engagé contre Silvio Berlusconi, comme ici, à Milan, en 2011.

Philosophe, écrivain et essayiste, Umberto Eco est mort à 84 ans, vendredi soir 19 février, à son domicile, à Milan, d’un cancer, a confirmé sa famille au quotidien italien La Repubblica.


Pionnier de la sémiotique – la science des signes – et théoricien du langage (notamment de la réception), ce qui court en filigrane tout au long de son œuvre romanesque, auteur de nombreux essais sur l’esthétique et les médias, il a écrit tardivement son premier roman, qui connaît un succès considérable, Le Nom de la rose, paru en 1980 chez Fabbri-Bompiani. Cette enquête policière au sein d’une communauté religieuse au XIVe siècle, traduite en une quarantaine de langues et adaptée au cinéma, lui assura une notoriété quasi universelle.


Lire aussi :   Le succès inattendu du « Nom de la rose », le chef d’œuvre d’Umberto Eco


Né dans le Piémont, à Alessandria, le 5 janvier 1932, au sein d’une famille de la petite bourgeoisie – son grand-père est un enfant trouvé et son père, aîné de 13 enfants, est le premier à passer du monde des prolétaires à celui des employés –, Umberto Eco grandit sur fond de guerre et de maquis (« entre 11 ans et 13 ans, j’ai appris à éviter les balles », confiait exceptionnellement cet homme rétif à toute confidence intime). Au terme d’études supérieures de philosophie et d’esthétique à Turin, il soutient, en 1954, sous la direction du philosophe antifasciste Luigi Pareyson, une thèse de fin d’études sur l’esthétique chez Thomas d’Aquin, Il Problema estetico in Tommaso d’Aquino, qui sera publiée en 1956.


Mais Eco n’en reste pas à l’étude théorique. Dès 1955, il est assistant à la télévision et travaille sur les programmes culturels de la chaine publique italienne, la RAI. Tandis qu’il se lie d’amitié avec le musicien Luciano Berio, il intègre la Neoavanguardia qui, bien que « de gauche », rejette la littérature « engagée » ; ainsi, Eco collabore, à partir de 1956, aux revues Il Verri et Rivista di estetica.


Il dirige, en 1960, une collection d’essais philosophiques pour l’éditeur milanais Bompiani, et prolonge l’aventure collective, en participant, en 1963, avec de jeunes intellectuels et artistes de sa génération, tels Nanni Balestrini et Alberto Arbasino, à la fondation du Gruppo 63, où la réflexion sur une esthétique nouvelle s’inscrit dans le sillage de Joyce, Pound, Borges, Gadda – autant d’auteurs essentiels pour Umberto Eco. Avant l’austère mensuel Quindici, lancé en juin 1967, futur creuset des mouvements de 1968, la même équipe lance une revue de culture contemporaine – art, littérature, architecture, musique – Marcatré (1963-1970), tandis que le jeune penseur, attiré par le journalisme, commence une collaboration durable avec la presse (The Times literary Supplement, dès 1963 et L’Espresso, dès 1965).


Mais il n’abandonne pas l’enseignement : de 1966 à 1970, il exerce successivement à la faculté d’architecture de Florence et à celle de Milan et intervient aussi à l’université de Sao Paulo (1966), à la New York University (1969) et à Buenos Aires (1970).


En 1971, l’année même où il fonde Versus, revue internationale des études sémiotiques, Eco enseigne cette science à la faculté de lettres et de philosophie de Bologne, où il obtient la chaire de la discipline, en 1975. Pour Eco, cette science expérimentale inaugurée par Roland Barthes est, plus qu’une méthode, une articulation entre réflexion et pratique littéraire, cultures savante et populaire. Il le prouve magistralement, lors de sa leçon au Collège de France, dont il a été le titulaire de la chaire européenne en 1992 (« La quête d’une langue parfaite dans l’histoire de la culture européenne »). Fort de sa notoriété et mû par une incroyable énergie, Eco dirige également l’Institut des disciplines de la communication et préside l’International Association for Semiotic Studies.


Pour un engagement critique envers les médias


Ses premières expériences à la télévision italienne ont très tôt familiarisé Umberto Eco à la communication de masse et aux nouvelles formes d’expression, comme les séries télévisées ou le monde de la variété. Il y découvre le kitsch et les vedettes du petit écran. Autant d’aspects de la culture populaire qu’il aborde dans Apocalittíci e Integrati (Bompiani, 1964), La Guerre du faux, recueil publié en France, en 1985, chez Grasset, à partir d’articles écrits entre 1973 et 1983, et De Superman au surhomme (1976-1993).


Dans Apocalittíci e Integrati, notamment, il distingue, dans la réception des médias, une attitude « apocalyptique », tenant d’une vision élitaire et nostalgique de la culture, et une autre, « intégrée », qui privilégie le libre accès aux produits culturels, sans s’interroger sur leur mode de production. A partir de là, Eco plaide pour un engagement critique à l’égard des médias. Ensuite, ses recherches l’amèneront à se pencher sur les genres considérés comme mineurs – tels le roman policier ou le roman-feuilleton, dont il analyse les procédés et les structures –, mais également sur certains phénomènes propres à la civilisation contemporaine, comme le football, le vedettariat, la publicité, la mode ou le terrorisme. D’où son active participation aux débats de la cité, qu’elle soit à l’échelle locale ou à l’échelle planétaire…


 Lire notre interview réalisée pour son dernier livre :   Umberto Eco : « Que vive le journalisme critique ! »


Si la curiosité et le champ d’investigation d’Umberto Eco connaissent peu de limites, la constante de son analyse reste la volonté de « voir du sens là où on serait tenté de ne voir que des faits ». C’est dans cette optique qu’il a cherché à élaborer une sémiotique générale, exposée, entre autres, dans La Structure absente (Mercure de France, 1972), Le Signe, histoire et analyse d’un concept (Editions Labor, 1988), plus encore dans son Traité de sémiotique générale (Bompiani, 1975). Ainsi contribue-t-il au développement d’une esthétique de l’interprétation.


Il se préoccupe de la définition de l’art, qu’il tente de formuler dès L’Œuvre ouverte (Points, 1965), où il pose les jalons de sa théorie, en montrant, au travers d’une série d’articles qui portent notamment sur la littérature et la musique, que l’œuvre d’art est un message ambigu, ouvert à une infinité d’interprétations, dans la mesure où plusieurs signifiés cohabitent au sein d’un seul signifiant. Le texte n’est donc pas un objet fini, mais, au contraire, un objet « ouvert » que le lecteur ne peut se contenter de recevoir passivement et qui implique, de sa part, un travail d’invention et d’interprétation. L’idée-force d’Umberto Eco, reprise et développée dans Lector in fabula (Grasset, 1985), est que le texte, parce qu’il ne dit pas tout, requiert la coopération du lecteur.


Aussi le sémiologue élabore-t-il la notion de « lecteur modèle », lecteur idéal qui répond à des normes prévues par l’auteur et qui non seulement présente les compétences requises pour saisir ses intentions, mais sait aussi « interpréter les non-dits du texte ». Le texte se présente comme un champ interactif, où l’écrit, par association sémantique, stimule le lecteur, dont la coopération fait partie intégrante de la stratégie mise en œuvre par l’auteur.


Dans Les Limites de l’interprétation (Grasset, 1992), Umberto Eco s’arrête encore une fois sur cette relation entre l’auteur et son lecteur. Il s’interroge sur la définition de l’interprétation et sur sa possibilité même. Si un texte peut supporter tous les sens, il dit tout et n’importe quoi. Pour que l’interprétation soit possible, il faut lui trouver des limites, puisque celle-là doit être finie pour pouvoir produire du sens. Umberto Eco s’intéresse là aux applications des systèmes critiques et aux risques de mise à plat du texte, inhérents à toute démarche interprétative. Dans La Recherche de la langue parfaite dans la culture européenne (Seuil, 1993), il étudie ainsi les projets fondateurs qui ont animé la quête d’une langue idéale. Une langue universelle qui n’est pas une langue à part, langue originelle et utopique ou langue artificielle, mais une langue idéalement constituée de toutes les langues.


Un romancier à succès


Professeur, chroniqueur et chercheur, Eco a, tout au long de sa carrière, repris en recueil nombre de ses conférences et contributions, des plus humoristiques (Pastiches et postiches, chez Messidor, en 1988 ; Comment voyager avec un saumon, chez Grasset, en 1998) aux plus polémiques (Croire en quoi ?, chez Rivages, en 1998, Cinq questions de morale, chez Grasset, en 2000). Mais si, retrouvant le pari qu’il avait relevé pour Bompiani à la fin des années 1950 en réalisant une somme illustrée, La Grande histoire des inventions, il s’est essayé tardivement à de personnelles synthèses sur l’Histoire de la beauté (Seuil, 2004), de la laideur (2007) ou des lieux de légende (2013), en marge d’un saisissant Vertige de la liste (2009) dont le ton croise le savoir de l’érudit et la liberté de l’écrivain, Umberto Eco est également romancier.


Ses œuvres de fiction sont d’une certaine façon l’application des théories avancées dans L’Œuvre ouverte ou Lector in fabula. Ses deux premiers romans, Le Nom de la rose (1980 [1982]) et Le Pendule de Foucault (1988 [1990]), qui rencontrent contre toute attente un succès phénoménal, se présentent comme des romans où se mêlent ésotérisme, humour et enquête policière.


A chaque page, l’érudition et la sagacité du lecteur sont sollicitées par une énigme, une allusion, un pastiche ou une citation. Le premier roman, situé en 1327, en un temps troublé de crise politique et religieuse, d’hérésie et traque inquisitoriale, se déroule dans une abbaye où un moine franciscain, préfiguration de Sherlock Holmes, tente d’élucider une série de crimes obscurs. A partir de là, trois lectures sont possibles, selon qu’on se passionne pour l’intrigue, qu’on suive le débat d’idées ou qu’on s’attache à la dimension allégorique qui présente, à travers le jeu multiple des citations, « un livre fait de livres ». L’Umberto Eco lecteur de Borges et de Thomas d’Aquin est plus que jamais présent dans ce roman qui connut un succès mondial et fut adapté au cinéma par Jean-Jacques Annaud avec Sean Connery dans le rôle principal. Le Pendule de Foucault mêle histoire et actualité à travers une investigation menée sur plusieurs siècles, de l’ordre du Temple au sein des sectes ésotériques.


Troisième jeu romanesque, L’Île du jour d’avant (1994 [1996]) est une évocation de la petite noblesse terrienne italienne du XVIIe siècle. Le récit d’une éducation sentimentale, mais également, à travers une description de l’identité piémontaise, un roman nostalgique et en partie autobiographique : l’auteur se penche sur ses propres racines, comme il le fait plus tard dans son livre le plus personnel, La Mystérieuse Flamme de la reine Loana (2004 [2005]), sorte d’autoportrait déguisé en manteau d’Arlequin coloré d’images illustrées de l’enfance. Amnésique à la recherche de son passé, Yambo, double de Eco, reconstruit son identité en s’appuyant sur ses lectures de jeunesse des années 1930, quand les romans d’aventures français et les bandes dessinées américaines concurrençaient la propagande fasciste. Cette échappée intime, exceptionnelle chez un homme dont la pudeur est la règle, est sans exemple.



De Baudolino (2000 [2002]), éblouissante chronique du temps de Frédéric Barberousse tenu par un falsificateur de génie, à Numéro Zéro (2015), fable aussi noire que féroce qui épingle la faillite contemporaine de l’information, en passant par Le Cimetière de Prague (2010 [2011]), où le thème du complot, si présent dans l’œuvre, est au cœur d’une fiction glaçante, Eco renoue avec une envergure plus large, des interrogations plus éthiques où l’érudition et la malice le disputent au jeu, sur le vrai et le faux, la forme aussi, puisque l’écrivain se plaît à croiser les registres et multiplier les défis.


Eco est un de ces noms donnés aux enfants sans identité, acronyme latin qui convoque la providence (« ex coelis oblatus », don des cieux en quelque sorte). Il fallait au moins ce clin d’œil pour le plus facétieux des érudits, le plus lettré des rêveurs. S’il parodiait Dante à 12 ans quand il se voulait conducteur de tramway, Umberto Eco désarme toujours autant les commentateurs. Philosophe destiné à intégrer la vénérable et très sélective Library of Living Philosophers, il semble toutefois promis à une postérité de romancier. Sorte de Pic de la Mirandole converti à l’Oulipo, celui que le médiéviste Jacques Le Goff, qui conseilla le cinéaste du Nom de la rose, appelait « le grand alchimiste » est au moins à coup sûr l’idéal du penseur pluriel, de l’obsédé textuel, du lecteur amoureux.


Umberto Eco en dates

5 janvier 1932 : Naissance à Alessandria


1955-58 : Assistant à la RAI


1962 : L’Œuvre ouverte (Seuil, 1965) texte fondateur de son œuvre sémiologique


1975 : Chaire de sémiotique à l’université de Bologne


1980 : Il nome della rosa [Le Nom de la rose (Grasset, 1982] adapté au cinéma en 1986 par Jean-Jacques Annaud


1992-93 : Titulaire d’une chaire européenne au Collège de France


2000 : Baudolino (Grasset, 2002)


2015 : Sortie de son dernier roman, Numéro zéro


19 février 2016 : Mort à l’âge de 84 ans

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Mort à 67 ans de Glenn Frey, chanteur des Eagles et auteur d'«Hotel California»

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Glenn Frey, le guitariste des Eagles lors d'un concert à Monaco, en 2011, est décédé lundi.
Glenn Frey, le guitariste des Eagles lors d'un concert à Monaco, en 2011, est décédé lundi. 
(REUTERS/Benoit Tessier.)

Il avait coécrit «Hotel California». Le fondateur des Eagles, Glenn Frey, est décédé à l'âge de 67 ans, a annoncé le groupe californien sur sa page Facebook lundi soir.

«C'est le cœur lourd que nous annonçons la mort de notre camarade, Glenn Frey, à New York», peut-on lire sur le réseau social. Le chanteur-compositeur souffrait d'une polyarthrite rhumatoïde et d'une pneumonie depuis plusieurs semaines. «Nous sommes en état de choc et de profonde tristesse» a ajouté Don Henley, un autre membre du groupe sur le site officiel de la formation.

Glenn Frey est né le 6 novembre 1948 à Détroit (Michigan). C'est autour de lui que le groupe s'est formé à Los Angeles en 1970. Leur premier album, sorti en 1972, a immédiatement connu le succès avec le titre «Take it easy». Mais c'est en 1976 que le groupe s'impose vraiment avec «Hotel California». La chanson, écrite par Glenn Frey, Don Henley et Don Felder, se vend à 1,5 million d’exemplaires. Plus de 20 millions de copies de l’album s’écouleront dans le monde entier.  

Quittant le groupe après des disputes incessantes, Glenn Frey a ensuite mené une carrière en solo pendant les années 1980, décrochant plusieurs tubes comme «The Heat Is On» (qui figure sur la BO du «Flic de Beverly Hills») et You Belong to the City (de la série télévisée «Deux flics à Miami»). Depuis 1994, il avait participé à plusieurs tournées avec le groupe des Eagles qui s'était reformé. 

VIDEO. Eagles : «Hotel California»



VIDEO. Eagles : «Take it easy» 


VIDEO. Glenn Frey : «You Belong To The City» 

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訃 告 2016. 1. 19. 15:19

L’écrivain Michel Tournier est mort à l’âge de 91 ans

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L'écrivain Michel Tournier à son domicile de Choisel (Yvelines), en 2009.

Il ne pensait pas grand bien de la vieillesse, se plaignait de s’ennuyer et de ne plus pouvoir voyager à ceux qui venaient lui rendrevisite dans sa retraite de la vallée de Chevreuse, le presbytère de Choisel où il s’était installé il y a plus d’un demi-siècle. Venu tardivement à l’écriture – il avait 42 ans lors de la parution de son premier roman –, Michel Tournier avait cessé de publier des fictions au mitan des années 1990. Il laisse derrière lui une œuvre saluée, dès ses prémices, pour son importance, sa capacité àmêler les mythes et l’Histoire, le prosaïque et la transcendance, mais numériquement peu conséquente, au regard de sa longévité – neuf romans pour adultes et enfants, une poignée de recueils de contes et nouvelles, quelques essais ; au printemps 2015, Gallimard avait fait paraître Lettres parlées à son ami allemand Hellmut Waler, 1967-1998. Régulièrement cité pour le prix Nobel de littérature, Michel Tournier est mort le 18 janvier chez lui, à Choisel, entouré de ses proches, a précisé son filleul, Laurent Feliculis, que l’écrivain considérait comme son fils adoptif. Il avait 91 ans.

Lire aussi : Mort de Michel Tournier : François Hollande salue « un grand écrivain à l’immense talent »

Né en 1924 dans une famille de germanistes – son père a abandonné l’enseignement de l’allemand pour se lancer dans le commerce –, Michel Tournier se destine à la philosophie, qu’il étudie, au lendemain de la seconde guerre mondiale, à l’université de Tübingen. Rentré en France après avoir obtenu sa licence, cet admirateur de Kant, dont il se targuera toute sa vie d’être l’un des rares propriétaires de l’œuvre intégrale en allemand, et de Jean-Paul Sartre, son « père spirituel », renonce à ses projets après avoir échoué à l’agrégation à deux reprises. Il répétera souvent qu’il n’aurait pas écrit s’il avait été reçu à cet examen.

« Vendredi ou la vie sauvage » et « Le Roi des Aulnes »

Ami de Gilles Deleuze, Roger Nimier ou Pierre Boulez, il commence à travailler pour la Radio-diffusion télévision française, puis Europe 1, avant d’entrer comme lecteur et traducteur de l’allemand (notamment d’Erich Maria Remarque) chez Plon. Au début des années 1960, ce passionné de photographie présente l’émission télévisuelle « Chambre noire ». En 1970, il sera à l’origine des Rencontres d’Arles, premier festival mondial consacré à cet art.

Entre-temps, il a fait une entrée extrêmement remarquée sur la scène littéraire, en publiant chez Gallimard (qui publiera l’essentiel de son œuvre) Vendredi ou les Limbes du Pacifique (1970), le premier roman de sa production qu’il ait estimé digne d’être présenté à un éditeur. Le succès, public et critique, est immédiat, pour cette relecture rousseauiste du mythe de Robinson, qui obtient le Grand Prix de l’Académie française. En 1971, il réécrit pour les enfants ce premier roman, sous la forme de Vendredi ou la vie sauvage. Etudié dans les classes, vendu par millions d’exemplaires, celui-ci restera la « rente » et le « livre fétiche », comme il le disait, de celui qui ne conçoit pas d’écrire pour n’être pas lu.

Trois ans après Vendredi paraît Le Roi des Aulnes, qui vaut à son auteur le prix Goncourt, attribué à l’unanimité. Ce roman emprunte son titre à un célèbre poème de Goethe et raconte l’histoire d’Abel Tiffauges, français emprisonné en Allemagne à la suite de la drôle de guerre, qui, après avoir croisé Göring, finira par devenir « l’ogre de la forteresse de Kaltenbom » recrutant de force des enfants destinés à périr dans ladéfense de cette forteresse lors de l’invasion soviétique. Si ce texte démontre la grande connaissance que possède Tournier de la civilisation germanique, il déploie toute la limpidité de son écriture pour conjuguerréalisme et magie, ou plutôt une forme de surnaturel : son grand modèle littéraire est le Trois contes de Flaubert. Avec ce deuxième roman, l’écrivain indique aussi la place prépondérante que tiendra l’exploration des figures célèbres et des personnages légendaires dans son œuvre. A l’ogre de Kaltenbom répondra ainsi en 1978 celui, « hippie », du Coq de Bruyère. En 1975, Les Météores, le troisième grand roman de Michel Tournier achève de prouver cette fascination pour les mythes : il y explore celui de Castor et Pollux à travers des personnages gémeaux. La place qu’y tiennent les ordures ménagères témoigne, elle, de l’intérêt de Tournier pour ce qu’il désigne comme une « esthétique du merveilleux sordide » – sachant qu’il ne dédaigne pas une pointe de scatologie, si elle se mêle de philosophie, comme c’était le cas dansVendredi et Le Roi des Aulnes.

image: http://s2.lemde.fr/image/2016/01/18/534x0/4849378_7_f363_l-ecrivain-michel-tournier-le-23-novembre_41602fb10332352bd328b08475dfe170.jpg

L'écrivain Michel Tournier, le 23 novembre 1970, signant des exemplaires de son roman "Le Roi des Aulnes" qui lui avait valu ce jour-là l'attribution du prix Goncourt.

Lauréat puis membre du jury du Goncourt

Ses trois premiers romans resteront, de l’avis général, les grandes œuvres de Michel Tournier. Il est devenu un personnage incontournable de la vie littéraire, même s’il vit, retiré, à Choisel, pour en éviter la plupart des tentations. Depuis 1973, il fait partie du jury du prix Goncourt. Ses livres continuent d’être accueillis comme des événements. Ainsi des nouvelles du Coq de Bruyère (1978) ou de son quatrième roman, Gaspard, Melchior et Balthazar (1980), sur les Rois mages, où il montre le visage, nouveau, d’un mystique. Ainsi, encore de Gilles et Jeanne (1983), dans lequel il se penche sur les personnages de la Pucelle et de Gilles de Rais, son maréchal devenu ogre. En 1985, La Goutte d’or lui permet d’évoquer sa passion de la photographie à travers le parcours d’un jeune Berbère, qu’un cliché pris par une touriste a dépossédé de son image, et qui part à la recherche de cette femme, ce qui lui fera connaître le racisme en France.

Dans les années 1980 et 1990, Michel Tournier est devenu à ce point central dans la littérature française que François Mitterrand vient, à quatre reprises, lui rendre visite dans son abbaye au cours de ses deux mandats. Installé à Choisel mais peu porté sur le mythe de l’écrivain retiré dans sa tour d’ivoire, il s’exprime beaucoup dans les médias, français et étrangers, ne dédaignant pas faire assaut de propos provocateurs ou choquants. En 1989, ce célibataire enthousiaste déclare au journal Newsweek : « Les avorteurs sont les fils et les petits-fils des monstres d’Auschwitz. Je voudrais rétablir la peine de mort pour ces gens-là » – il justifie plus tard ces propos, qu’il ne renie pas, par un dégoût « viscéral » pour l’interruption volontaire de grossesse. En 1996, il affirme que la loi Gayssot, qui qualifie de délit la contestation de crime contre l’humanité, transforme « un fait historique en un article de foi dont la négation devient un blasphème » – sa phrase établissant un parallèle entre la Shoah et le dogme de l’Immaculée Conception.

Ses camarades de l’académie Goncourt le défendent toujours, et il est un pilier de la vie littéraire. Ses livres, nouvelles, romans, essais, sont publiés et traduits dans le monde entier, tandis que lui, fier d’être devenu un « auteur scolaire », passe une grande partie de son temps dans les écoles, à expliquer son œuvre et communiquer le plaisir de la lecture aux enfants. Même s’il écrit, lui, de moins en moins.

image: http://s1.lemde.fr/image/2016/01/19/534x0/4849409_6_bd2b_l-ecrivain-michel-tournier-a-l-emission_17dff40c1b9bb09314ac3414f30abb24.jpg

L'écrivain Michel Tournier à l'émission littéraire Vol de Nuit le 23 mai 2006 à Paris.

En 2009, il décide de quitter l’académie Goncourt, à cause de son âge, de la fatigue et de son manque d’appétit – nécessaire pour les agapes délibératives chez Drouant. Apparaissant éternellement coiffé, ces dernières années, d’un petit bonnet de laine, cet ancien amoureux des voyages (notamment en Afrique subsaharienne et au Canada) se dira jusqu’au bout satisfait de l’existence qu’il a menée. En 2002, l’amateur de « vrai roman » allergique à l’évocation de l’intime, avait fait paraître un Journal extime, dans lequel il écrivait : « Une idée pour le paradis : après ma mort, je suis placé devant un panorama où toute ma vie est étalée dans les moindres épisodes. Libre à moi de revenir sur celui-ci ou celui-là et de le revivre (…)C’est que je suis dévoré de nostalgie et de regret en me souvenant de scènes de ma vie auxquelles je n’ai pas accordé l’attention qu’elles méritaient. »


En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/disparitions/article/2016/01/18/l-ecrivain-michel-tournier-est-mort-a-l-age-de-91-ans_4849379_3382.html#zRkd0hhyQ8kKmdhH.99

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訃 告 2016. 1. 11. 19:58

David Bowie a rejoint son étoile noire

Christian Eudeline / Critique Rock | 

image: http://www.lesechos.fr/medias/2016/01/11/1191514_david-bowie-a-rejoint-son-etoile-noire-web-tete-021610253277_1000x300.jpg

David Bowie a rejoint son étoile noire ©RETRO/SIPA

Deux jours après son soixante neuvième anniversaire et la sortie de son nouvel album « Blackstar », la pop star anglaise s’est éteinte d’un cancer. Retour sur la carrière flamboyante d’un musicien caméléon, génial et charismatique.

L’homme semblait immortel. Vendredi 8 janvier, pour la sortie de son dernier album « Blackstar » le jour de ses 69 ans, on n’hésitait pas à le surnommer l’extra-terrestre. L’annonce de son décès par son fils Duncan, sur Twitter, vient nous rappeler qu’il n’était qu’un simple mortel. Doublé d’un génie. Il s’est éteint cette nuit d’un cancer après un combat de plusieurs mois.

La première image qui nous restera est cette brûlante actualité. Après dix années de silence, David Bowie était retourné en studio par deux fois, alors qu’entre temps, nous Parisiens avions eu la chance d’aller visiter son exposition à la Philharmonie de Paris l’année dernière, une rétrospective de son œuvre et de ses différentes incarnations. Car à la question que tous se posent ce matin « que reste-t-il de David Bowie ? », une seule réponse : Il a été le premier musicien à oser changer de peau selon ses envies. Un côté caméléon jamais égalé.

David Bowie, né David Jones le 8 janvier 1947 à Londres, joue à Paris la première fois le 31 décembre 1965, au Golf Drouot. Il a les cheveux longs et livre une musique plutôt scolaire, du rock anglais, à la manière des Rolling Stones. Il n’a pas encore trouvé son style. Celui-ci viendra quelques années plus tard, grâce à la vision futuriste de Le Corbusier qui lui suggère un costume de spationaute et une envie de grands espaces. Cela colle parfaitement à l’un de ses films fétiches, « 2001 L’Odyssée de l’Espace » de Stanley Kubrick et la chanson qu’il vient d’écrire, « Space Oddity ». Ce sera son premier succès.


L’HOMME VENU D’AILLEURS

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©R BAMBER / Rex Features/REX/SIPA

On est en 1969 et David Bowie se meut en visionnaire. Son rock est en parfaite adéquation avec l’air du temps, les premiers pas de Neil Armstrong sur la Lune. C’est à ce moment qu’il développe son côté venu d’ailleurs, David Bowie se crée un personnage flamboyant, qui n’hésite pas à vendre la Terre au plus offrant, et à arborer une certaine ambiguïté sexuelle. Contraste saisissant avec l’habillage folk du disque précédent, les guitares électriques du disque « The Man Who Sold The World » sont incisives à souhait et très agressives.

Après un disque qui flirte une nouvelle fois avec les sons acoustiques, « Hunky Dory », David Bowie a cette vision d’un Martien surnommé Ziggy Stardust. Ce sera son premier chef d’œuvre absolu, un concept album (disque dont les chansons mises bout à bout racontent une histoire) intitulé « The Rise And Fall Of Ziggy Stardust And The Spiders From Mars ». L’homme a le sens de la mise en scène, il est le premier musicien a se créer un personnage dont l’ascension et la chute coïnciderait avec la fin du monde. Maquillé, les cheveux teints en rouge, David Bowie est l’épicentre de la folie glam qui s’empare alors de l’Angleterre, puis du reste du monde.

Les fans et les médias tombent en pâmoison devant ce dandy raffiné qui a le look et multiplie les références culturelles en interviews. Les apparitions de Ziggy déclenchent l’hystérie des fans, et son suicide simulé le 3 juillet 1973 sur la scène de l’Hammersmith Odeon provoque une vague d’effroi. Ses admirateurs croyaient que l’artiste allait vraiment tirer sa révérence, mais son geste n’était qu’un symbole pour tuer cette créature envahissante. David Bowie voulait tourner la page. Suit « Halloween Jack », le personnage de « Diamond Dogs », totalement névrosé et très inspiré des écrits de William Burroughs. Puis quelques mois plus tard, sort l’album funk « Young Americans » auquel collabore John Lennon. Le titre « Fame » tourne en boucle dans les chaînes américaines, le disco est la nouvelle danse à la mode.

Il continuera son changement d’identité en entamant une trilogie Berlinoise, enregistrée dans la banlieue Parisienne au studio d’Hérouville et à Berlin, en compagnie de son protégé Iggy Pop qu’il a sauvé de la paupérisation en produisant ses deux albums « The Idiot » et « Lust For Life ». Ce sont des années de guerre froide entre les Etats-Unis et l’Europe de l’est, emmenées par la musique robotique de Kraftwerk et l’utilisation des premiers synthétiseurs. David Bowie sort trois albums révolutionnaires, immenses - « Low », « Heroes » et « Lodger » - non à cause de leurs chiffres de ventes, mais parce qu’il symbolisent le désespoir du temps présent et la new-wave du futur. Joy Divison et Depeche Mode seront ses plus évidents rejetons.

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©REX

LA STAR À SON ZÉNITH

En 1980, David Bowie, un brin désabusé, apparaît en clown triste dans l’album « Scary Monsters », au succès phénoménal, et enregistre dans la foulée ce qui reste son plus gros tube « Let’s Dance » (1983). Le « Get Lucky » des Daft Punk, mais avec trente ans d’avance (Nile Rodgers est déjà à la guitare). Sa tournée qui suit, le Serious Moonlight Tour, se produira sur les cinq continents devant plus de 2 millions de personnes.

Ce sera son zénith. La suite s’avérera moins flamboyante, même si les années 1990 nous réserveront encore quelques surprises musicales. En 1997, David Bowie fait surtout son entrée en bourse, mais pour ne pas échouer comme Kiss ou Michael Jackson, il émet des obligations au rendement annuel de 7,9 % gagées sur les droits d’auteurs de ses albums. Il peut se permettre, car il a gardé les droits de la totalité de son catalogue. Une première et encore un coup de maître. L’artiste était aussi un excellent homme d’affaires.

Habitant Manhattan depuis plusieurs années, il n’hésitait jamais à se rendre à des concerts ni à échanger quelques mots dans la rue lorsque des fans le reconnaissaient. Il était une véritable légende. Hélas, finalement pas éternelle. Heureusement ses disques le sont.


En savoir plus sur http://www.lesechos.fr/week-end/culture/musiques/021610386292-david-bowie-a-rejoint-son-etoile-noire-1191514.php?WsA2QZmuVdh9XzMf.99

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Mort de Pierre Boulez, symbole d’un XXe siècle musical avant-gardiste

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Pierre Boulez en concert à Paris, le 21 décembre 2011.
Pierre Boulez en concert à Paris, le 21 décembre 2011. MIGUEL MEDINA/AFP

La mort de Pierre Boulez, survenue mardi 5 janvier à Baden-Baden (Allemagne), met un point véritablement final au XXe siècle musical avant-gardiste qu’il avait notablement contribué àfaçonner avec d’autres compositeurs nés au cours des années 1920 : les Italiens Bruno Maderna (1920-1973), Luigi Nono (1924-1990) et Luciano Berio (1925-2003), l’Allemand Karlheinz Stockhausen (1928-2007), l’Autrichien d’origine hongroise György Ligeti (1923-2006) et le Belge Henri Pousseur (1929-2009). A l’exception de Ligeti, ils avaient tous adhéré à un langage qui remettait en question les acquis fondamentaux de l’harmonie classique et s’étaient, dans un premier temps, conformés aux lois du dodécaphonisme – réorganisation par « séries » des degrés de la gamme chromatique – puis du sérialisme intégral – application de ces principes sériels à tous les paramètres musicaux : hauteur, durée, timbre, intensité. Avant, chacun à leur manière, de s’en dégager.

Parmi eux, Boulez était le plus célèbre dans le monde, le plus écouté et le plus craint. Son pouvoir et son influence étaient d’autant plus grands que le compositeur était aussi un éminent chef d’orchestre, théoricien et patron d’institutions, ainsi qu’un redoutable polémiste.

Lire aussi : Pierre Boulez, la trajectoire d’un compositeur

Chopin à 8 ans

Pierre Boulez naît le 26 mars 1925 à Montbrison (Loire), dans une famille bourgeoise et non musicienne. Le jeune garçon entend, à 5 ans, ses premiers sons symphoniques à la radio et, l’année suivante, se met au piano. Trois ans plus tard, il joue déjà des pièces de Frédéric Chopin et découvre les polyphonistes de la Renaissance dans la chorale du petit séminaire de Montbrison, où il fait ses études générales. Le jeune Boulez est aussi un scientifique-né, brillant en physique, en chimie et en mathématiques. Mais il tente alors d’amoindrir l’importance de ce talent : d’abord par peur que son père en fasse l’argument-clé pour lui faire suivre des études autres que musicales ; ensuite pour faire oublier l’étiquette de « fort en thème » qui le poursuivra toute sa vie.

Après son baccalauréat, obtenu en 1940, Boulez entre pourtant en classe de mathématiques au pensionnat Saint-Louis de Saint-Etienne, puis, l’année suivante, en « maths spé », chez les lazaristes de Lyon. Il rate le concours d’entrée dans la classe de piano du conservatoire de la ville et prend alors des leçons privées de piano et d’harmonie. En 1943, Boulez a 18 ans et part s’installer à Paris. Au Conservatoire national, il rate le concours d’entrée de piano, mais est bientôt reçu dans la classe d’harmonie d’Olivier Messiaen (1908-1992). Agissant plutôt comme un professeur d’analyse musicale, Messiaen lui ouvre de vastes horizons et lui dispense gratuitement des cours. Mais Boulez, frondeur et indépendant, ne tarde pas à trouver des limites à l’enseignement de Messiaen et à faire savoir le mal qu’il pense de sa musique, traitant sa Turangalîla-Symphonie (1946-1948) de « musique de bordel ». Messiaen s’en est souvenu : « Lorsqu’il entra dans la classe pour la première foisil était très gentil. Mais il devint bientôt en colère contre le monde entier. » Ce trait de caractère ne cessera d’être saillant chez Boulez jusqu’à ses dernières années.

En 1945, le musicien fréquente le compositeur et théoricien René Leibowitz (1913-1972), qui l’initie à la musique de l’école de Vienne – Arnold Schoenberg (1874-1951), inventeur de la technique dodécaphonique, et ses disciples Alban Berg (1885-1935) et Anton Webern (1883-1945), alors rarement joués enFrance. Mais l’emprise de Leibowitz, jugée trop jugulante, l’amène à une nouvelle rupture.

« Première sonate pour piano » en 1946

En 1946, Boulez livre sa Première sonate pour piano, œuvre radicale et minérale, alors qu’il gagne sa vie aux… Folies Bergère en jouant des ondes Martenot – un instrument monodique à clavier dont le son est produit par un oscillateur électronique mis au point entre 1918 et 1928 par Maurice Martenot. Il rejoint bientôt la compagnie de théâtre Renaud-Barrault, où il est « chef de la musique » et joue des ondes, arrange des partitions et dirige de petits ensembles instrumentaux. Boulez collaborera de 1946 à 1956 à la troupe (pour laquelle il écrira une seule partition, L’Orestie, en 1955) et restera toujours reconnaissant à Jean-Louis Barrault de lui avoir donné l’occasion de ses premières expériences pratiques et professionnelles de la musique.

Entre 1953 et 1955, Boulez écrit Le Marteau sans maître, pour contralto et petit ensemble, sur des textes de René Char, qui devient vite une partition-phare de la modernité. En 1954, il fonde les concerts d’avant-garde du Domaine musical, qu’accueille Jean-Louis Barrault dans la petite salle du Théâtre Marigny. Faute de pouvoir trouver ou rétribuer des chefs capables de diriger ces musiques d’une folle complexité, Boulez prend la baguette, alors qu’il ne s’est jamais encore produit sur une scène de concert. Il se souviendra avoir été alors « maladroit, très très maladroit, même », mais il continue ainsi d’apprendre son métier sur le tas.

En décembre 1957, Boulez est pour la première fois à la tête d’un orchestre symphonique lorsqu’il doit remplacer Hermann Scherchen (1891-1966) dans la création de son propre Visage nuptial (1951-1952). L’année suivante, il est amené à se substituer à Hans Rosbaud, dont la santé décline. Avec l’expérience, Boulez voit sa maladresse « disparaître au fur et à mesure », et il devient, selon ses propres termes, « une sorte d’ersatz de Rosbaud ». A la mort de ce dernier, en 1962, il est invité par des orchestres à le remplacer et à diriger des œuvres d’avant-garde et de répertoire.

En 1963, Boulez dirige Wozzeck, d’Alban Berg, qui fait son entrée au répertoire de l’Opéra de Paris (dans une mise en scène de Jean-Louis Barrault). En 1965, le Festival de Bayreuth l’invite à remplacer Hans Knappertsbusch (1888-1965), mort subitement, dans Parsifal, de Wagner. Il défraie la chronique en dirigeant l’œuvre d’une manière analytique et antiromantique.

Relations orageuses avec le pouvoir politique

Sa réputation se propage : l’Orchestre symphonique de la BBC le convie régulièrement dès 1964 et lui offre, en 1969, le poste de chef principal. En 1965, il dirige l’Orchestre de Cleveland, l’un des meilleurs aux Etats-Unis : nommé chef invité principal en 1969, il gardera, au concert comme au disque, une relation privilégiée avec la formation pendant tout le reste de sa carrière.

Lire aussi : Pierre Boulez, un chef d’orchestre respecté de tous

Au cours des années 1960, les relations de Boulez avec le pouvoir politique français sont orageuses. Il fait savoir haut et fort le mal qu’il pense de l’organisation de la vie musicale du pays. En décembre 1962, André Malraux, ministre d’Etat chargé des affaires culturelles, nomme une commission chargée de réfléchir aux problèmes de la vie musicale française, qui soutient les idées de Pierre Boulez. De son côtéle compositeur (d’esthétique tonale et traditionnelle) Marcel Landowski (1915-1999), inspecteur général de l’enseignement musical, remet des conclusions différentes. A Boulez, Malraux préfère Landowski, qu’il nomme en 1966 directeur de la musique, de l’art lyrique et de la danse, avec pour mission la réforme des institutions musicales de diffusion et d’enseignement. Ulcéré, Boulez claque la porte, signe une tribune sanglante dans Le Nouvel Observateur du 21 mai 1966 (« Pourquoi je dis non à Malraux ») et s’exile à Baden-Baden, où il possède une résidence secondaire.

Mais les institutions étrangères les plus prestigieuses lui ouvrent désormais les bras : en 1971, le Français est nommé directeur musical de l’Orchestre philharmonique de New York et succède à Leonard Bernstein (1918-1990), chef intuitif, charismatique, peu intéressé par le répertoire d’avant-garde. Le changement est brutal et lui attire « polémiques, résistances ou même hostilité ». L’aventure se terminera à la fin de la saison 1976-1977.

Recherches scientifiques

Boulez accepte alors de revenir en France : en 1976, il fonde l’Ensemble intercontemporain (EIC), premier groupe français permanent de musique contemporaine largement soutenu par l’Etat ; en 1977, l’Institut de recherche et de coordination acoustique/musique (Ircam), un laboratoire associé auCentre Pompidou, ouvre ses portes, sept ans après que le président Georges Pompidou, grand amateur de création contemporaine et décidément bon prince, en eut décidé la création et confié les rênes au compositeur.

A l’Ircam, Boulez s’appuie sur des recherches scientifiques qui permettent de développer des outils de transformation du son en temps réel. Il conçoitRépons (1981), une pièce fascinante et sensuelle – très éloignée du granitisme de ses compositions des années 1945-1965 – pour ensemble et « live electronics », considéré par beaucoup comme son chef-d’œuvre.

En 1979, Boulez revient à l’Opéra de Paris – le « ghetto plein de merde et de poussière » qu’il avait appelé à « dynamiter » douze ans plus tôt – pour la création mondiale de la version complète de Lulu, d’Alban Berg, dans une mise en scène de Patrice Chéreau, avec qui il venait de collaborer au Festival de Bayreuth pour une Tétralogie de Wagner. Cette production, présentée à partir de 1976, fut l’un des plus grands scandales de la colline sacrée, mais est aujourd’hui considérée, du point de vue musical et théâtral, comme l’une de ses plus éminentes lectures.

Personnage incontournable

Boulez est alors un personnage officiel et incontournable de la vie musicale française : il conseille Pierre Vozlinsky, le directeur de la musique à Radio France, au moment (1974) de la réforme de l’ORTF ; il est consulté pour la construction de l’Opéra Bastille, dont il se désolidarisera quand le projet de petite salle modulable sera abandonné et que son ami Daniel Barenboïm sera limogé de son poste de directeur musical en 1989 ; la Cité de la musique, à Paris, sera construite selon ses recommandations et deviendra le lieu de résidence de l’EIC. Il soutiendra, plus tard, la construction d’une grande salle à La Villette (prévue dans le premier projet de la Cité de la musique), qui finira par être entérinée par la Ville de Paris et l’Etat après moult imbroglios et le lobbyisme de beaucoup d’opposants.

Lire aussi : Quand Pierre Boulez se défendait dans « Le Monde »

Cette prééminence, jugée abusive, est très vite dénoncée. Il est traité d’« Hitler de l’Europe musicale » par le compositeur américain Ned Rorem et de« stalinien de la musique » par Pierre Schaeffer, le fondateur du Groupe de recherches musicales (GRM) de la Radiodiffusion française. Beaucoup lui reprocheront, jusqu’à ses dernières années, ses réseaux, qu’il a souvent favorisés. Mais il faut reconnaître que Boulez a pris un pouvoir qui était en quelque sorte vacant : qui, parmi ses contemporains, a su, avec autant de force et d’intelligence, imposer une éthique, certes discriminante mais cohérente, de la vie musicale française ? Qui pouvait se targuer d’avoir l’oreille de tant de décideurs de la vie musicale aux quatre coins du monde ?

« Figure de prophète »

Le compositeur Pascal Dusapin a bien décrit la personnalité de Boulez dans le livre de portraits photographiques de Philippe Gontier, Incidences… Pierre Boulez (Editions MF, 2005) : « Boulez était inapprochable, intouchable avec son discours d’excellence, c’était un dieu musical hors d’atteinte pour moi. En outre, les gens autour de lui, peut-être plus que Boulez lui-même, l’isolaient beaucoup. Après, je l’ai un peu connu, et il s’est avéré être tout le contraire, en réalité ouvert, simple et accessible. » Car Boulez recevait longuement les étudiants en musicologie, donnait de fréquentes classes de maître sans compterson temps et son énergie, et les musiciens avec qui il a travaillé lui ont presque toujours témoigné un indéfectible attachement.

Décrivant « Schoenberg le mal aimé » dans un article de 1974, Boulez semble plutôt livrer un autoportrait : « A vrai dire, Schoenberg attire plus le respect que l’affection… L’admiration de ses disciples a, pour lui, été sans limites, voire sans contrôle. L’opposition, la haine même à ce qu’il représentait ont été non moins excessives. Cette figure de prophète, que l’on révère  mais que l’on craint , l’a-t-il voulu ? En est-il même responsable ? Est-il voué à l’échecde Moïse ? »

Il faudra sûrement du temps aux jeunes compositeurs et aux musicographes pour, à leur tour, tuer cette figure du père-prophète (comme Boulez le fit lui-même avec tant d’aînés) et, comme il y invitait, « louer l’amnésie » pour mieux reconsidérer la vraie place et l’héritage de ce protagoniste essentiel de la musique de la deuxième moitié du XXe siècle.


En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/disparitions/article/2016/01/06/mort-du-compositeur-et-chef-d-orchestre-pierre-boulez_4842501_3382.html#bbrohscJd5a7aOqd.99

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르네 지라드

訃 告 2015. 11. 5. 16:23
DISPARITION

L’académicien René Girard est mort

Par AFP — 5 novembre 2015 à 06:58
Portrait du philosophe René Girard pris le 29 avril 2004 sur le plateau de l'émission 'Culture et dépendances' enregistrée au siège de France Télévision à Paris
Portrait du philosophe René Girard pris le 29 avril 2004 sur le plateau de l'émission "Culture et dépendances" enregistrée au siège de France Télévision à Paris Photo Francois Guillot. AFP

Le philosophe et académicien français René Girard est décédé mercredi à l'âge de 91 ans aux Etats-Unis.

Il était surnommé «le nouveau Darwin des sciences humaines». Le philosophe et académicien français René Girard est décédé mercredi à l’âge de 91 ans aux Etats-Unis, a annoncé l’université de Stanford où il a longtemps enseigné.

«Le renommé professeur français de Stanford, l’un des 40 immortels de la prestigieuse Académie française, est décédé à son domicile de Stanford mercredi des suites d’une longue maladie», a indiqué l’université californienne dans un communiqué.

Largement traduite, souvent admirée hors de nos frontières, comme aux Etats-Unis ou en Italie, l’oeuvre de René Girard reste assez mal connue du grand public en France. «Pour un intellectuel qui a longtemps été considéré comme un auteur à contre-courant et atypique, l’élection à l’Académie est une forme de reconnaissance», déclarait-il au quotidien La Croix le 15 décembre 2005, jour de sa réception à l’Académie française.

«Je peux dire sans exagération que, pendant un demi-siècle, la seule institution française qui m’ait persuadé que je n’étais pas oublié en France, dans mon propre pays, en tant que chercheur et en tant que penseur, c’est l’Académie française», avait-il expliqué ce jour-là dans son discours devant les Immortels.

S’il était parfois négligé en France, ses livres traduits dans le monde entier «ont offert une vision audacieuse et vaste de la nature, de l’histoire et de la destinée humaine», selon l’université Stanford.

Ecritures saintes et grands classiques

Girard a commencé sa carrière en tant que théoricien littéraire fasciné par toutes les sciences sociales: histoire, anthropologie, sociologie, philosophie, religion, psychologie et théologie. «Il a influencé des écrivains tels que le prix Nobel J.M. Coetzee et l’écrivain tchèque Milan Kundera même s’il n’a jamais joui du cachet de ses pairs structuralistes, post-structuralistes, déconstructionistes et autres», poursuit le communiqué de Stanford.

Chrétien, né le jour de Noël 1923 en Avignon, il a beaucoup écrit sur la diversité et l’unité des religions. Cet humaniste dont le père était conservateur de la bibliothèque et du musée Calvet d’Avignon, puis du palais des Papes, a fondé sa pensée sur les écritures saintes, autant lues que les grands classiques de la littérature (Proust, Stendhal ou Dostoïevski).

Il est connu pour son concept de «désir mimétique», qu’il définit ainsi: «c’est toujours en imitant le désir de mes semblables que j’introduis la rivalité dans les relations humaines et donc la violence». Pour lui, la Bible est une immense entreprise pour sortir l’homme de la violence.

Passé par l’Ecole des Chartes, archiviste-paléographe de formation, René Girard était installé depuis 1947 aux Etats-Unis. Il y a enseigné dans de nombreuses universités comme Duke, Johns Hopkins et surtout Stanford, où il a longtemps dirigé le département de langue, littérature et civilisation française. Docteur honoris causa de nombreuses universités (Amsterdam, Innsbruck, Anvers, Padoue, Montréal, Baltimore, Londres...), il a terminé sa carrière académique à Stanford en 1995, où il vivait depuis.

Il était l’auteur d’ouvrages comme Mensonge romantique et vérité romanesque (1961), La Violence et le Sacré (1972), Shakespeare, les feux de l’envie (prix Médicis essai 90), Je vois Satan tomber comme l’éclair(1999) ou Celui par qui le scandale arrive (2001).

AFP

L'inventeur de la théorie mimétique et penseur d'une anthropologie fondée sur l’exclusion-sacralisation du bouc émissaire s'est éteint mercredi.


René Girard le 29 avril 2004 sur le plateau de l'émission «Culture et dépendances». Photo Francois Guillot. AFP

Membre de l’Académie française, René Girard n’a pourtant pas trouvé place dans l’université française : dans l’immédiat après-guerre, il émigre aux Etats Unis, obtient son doctorat en histoire à l’université d’Indiana, puis enseigne la littérature comparée à la Johns Hopkins University de Baltimore (il organise là un célèbre colloque sur «le Langage de la critique et les sciences de l’homme» auquel participent Roland Barthes, Jacques Lacan et Jacques Derrida, qui fait découvrir le structuralisme aux Américains) et, jusqu’à sa retraite en 1995, à Stanford – où, professeur de langue, littérature et civilisation françaises, il côtoie Michel Serres et Jean-Pierre Dupuy.

Né le jour de Noël 1923 à Avignon, élève de l’Ecole des chartes, il est mort mercredi à Stanford, Californie, à l’âge de 91 ans. C’était une forte personnalité, tenace, parfois bourrue, qui a creusé son sillon avec l’énergie des solitaires, et entre mille difficultés, car le retentissement international de ses théories – dont certains des concepts, notamment celui de «bouc émissaire», sont quasiment tombés dans la grammaire commune des sciences humaines et même le langage commun – n’a jamais fait disparaître les violentes critiques, les incompréhensions, les rejets, encore accrus par le fait que Girard, traditionaliste, a toujours refusé les crédos postmodernes, marxistes, déconstructivistes, structuralistes, psychanalytiques…

Porté par une profonde foi religieuse, fin interprète du mystère de la Passion du Christ, il a bâti une œuvre considérable, qui se déploie de la littérature à l’anthropologie, de l’ethnologie à la théologie, à la psychologie, la sociologie, la philosophie de la religion et la philosophie tout court. Les linéaments de toute sa pensée sont déjà contenus dans son premier ouvrage, Mensonge romantique et vérité romanesque(1961) dans lequel, à partir de l’étude très novatrice des grands romans occidentaux (Stendhal, Cervantes, Flaubert, Proust, Dostoïevski…), il forge la théorie du «désir mimétique» – l’homme ne désire que selon le désir de l’autre –, qui aura un écho considérable à mesure qu’il l’appliquera à des domaines extérieurs à la littérature.

Etre désirant

La nature humaine a en son fond la mimesis : au sens où les actions des hommes sont toujours entreprises parce qu’ils les voient réalisées par un «modèle». L’homme est par excellence un être désirant, qui nourrit son désir du désir de l’autre et adopte ainsi coutumes, modes, façons d’être, pensées, actions en adaptant les coutumes, les modes, les façons d’être de ceux qui sont «autour» de lui. La différence entre l’animal et l’homme n’est pas dans l’intelligence ou quoi que ce soit d’autre, mais dans le fait que le premier a des appétits, qui le clouent à l’instinct, alors que le second a des désirs, qui l’incitent d’abord à observer puis à imiter. C’est ce principe mimétique qui guide les «mouvements» des individus dans la société. De là la violence généralisée, car le conflit apparaît dès qu’il y a «triangle», c’est-à-dire dès que le désir porte sur un «objet» qui est déjà l’objet du désir d’un autre.

Naissent ainsi l’envie, la jalousie, la haine, la vengeance. La vengeance ne cesse de s’alimenter de la haine des «rivaux», et implique toute la communauté, menaçant ainsi les fondements de l’ordre social. Seul le sacrifice d’une victime innocente, qu’une «différence» (réelle ou créée) distingue de tous les autres, pourra apaiser les haines et guérir la communauté. C’est la théorie du «bouc émissaire», qui a rendu René Girard célèbre. En focalisant son attention sur l’aspect le plus énigmatique du sacré, l’auteur de la Violence et le sacré (1972) montre en effet – on peut en avoir une illustration dans le film de Peter Fleischmann, Scènes de chasse en Bavière, où un jeune homme, soupçonné d’être homosexuel, devient l’objet d’une véritable chasse à l’homme de la part de tous les habitants du village – que l’immolation d’une victime sacrificielle, attestée dans presque toutes les traditions religieuses et la littérature mythologique, sert à apaiser la «guerre de tous contre tous» dont Thomas Hobbes avait fait le centre de sa philosophie.

Lorsqu’une communauté est sur le point de s’autodétruire par des affrontements intestins, des «guerres civiles», elle trouve moyen de se «sauver» si elle trouve un bouc émissaire (on peut penser à la «chasse aux sorcières», à n’importe qu’elle époque, sous toutes latitudes, et quelle que soit la «sorcière»), sur lequel décharger la violence : bouc émissaire à qui est ensuite attribuée une valeur sacrée, précisément parce qu’il ramène la paix et permet de recoudre le lien social. Souvent, les mythes et les rites ont occulté l’innocence de la victime, mais, selon Girard, la révélation biblique, culminant avec les récits évangéliques de la Passion du Christ, l’a au contraire révélée, de sorte que le christianisme ne peut être considéré comme une simple «variante» des mythes païens (d’où la violente critique que Girard fait de la Généalogie de la morale de Nietzsche, de la conception «dionysiaque» célébrée par le philosophe allemand, et de l’assimilation entre le Christ et les diverses incarnations païennes du dieu-victime).

Faits et événements réels

Dans l’optique girardienne, il s’agissait assurément de proposer un «autre discours» anthropologique, qui se démarquât (et montrât la fausseté) de ceux qui étaient devenus dominants, grâce, évidemment, à l’œuvre de Levi-Strauss (et, d’un autre côté, de Freud). Ne pensant pas du tout qu’on puisse rendre raison de la «pensée sauvage» en s’attachant aux mythes, entendus comme «création poétique» ou «narration» coupée du réel, René Girard enracine son anthropologie dans des faits et des événements réellement arrivés, comme des épisodes de lynchage ou de sacrifices rituels dont la victime est ensuite sacralisée mais qui se fondent toujours, d’abord, sur des accusations absurdes, comme celles de diffuser la peste, de rendre impure la nourriture ou d’empoisonner les eaux.

La théorie mimétique et l’anthropologie fondée sur l’exclusion-sacralisation du bouc émissaire, sont les deux paradigmes que Girard applique à de nombreux champs du savoir, et qui lui permettent de définir un schéma herméneutique capable d’expliquer une foule de phénomènes, sociaux, politiques, littéraires, religieux. Son travail, autrement dit, visait à la constitution d’une anthropologie générale, rationnelle, visant à une explication globale des comportements humains. C’est sans doute pourquoi il a suscité tant d’enthousiasmes et attiré tant de critiques. On ne saurait ici pas même citer toutes les thématiques qu’il a traitées, ni les auteurs avec lesquels il a critiquement dialogué. Ce qui est sûr, c’est que René Girard a toujours maintenu droite la barre de son navire, malgré les vents contraires, et, à l’époque de l’hyper-spécialisation contemporaine, a eu l’audace de formuler une «pensée unitaire» qui a fait l’objet de mille commentaires dans le monde entier, parce que vraiment suggestive, et dont l’ambition était de mettre à nu les racines de la culture humaine. «La vérité est extrêmement rare sur cette terre. Il y a même raison de penser qu’elle soit tout à fait absente.» Ce qui n’a pas été suffisant pour dissuader René Girard de la chercher toute sa vie.

A LIRE AUSSIle portrait de René Girard du 4 janvier 2003.

Robert Maggiori


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Sir Christopher Lee dead: Legendary actor passes away at the age of 93

The actor died on Sunday, according to sources close to his family


삼가 명복을 빕니다..


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'블루스의 전설' B.B.킹이 지난 14일(이하 현지시각) 미국 라스베이거스 자택에서 별세했다. 향년 89세.


15일 ABC뉴스 등 외신에 따르면 B.B. 킹은 지난 14일 오후 9시40분께 자택에서 잠을 자던 중 죽음을 맞았다. B.B. 킹은 지난 5월 1일 자신의 홈페이지를 통해 라스베이거스 자택에서 호스피스 케어를 받고 있다고 밝힌 바 있다. 


40장이 넘는 앨범을 발표하며 최고의 기타리스트이자 블루스 가수, 작곡가로 사랑받아온 B. B. 킹은 블루스의 살아있는 전설로 불렸다. 


1925년 미국 미시시피에서 태어난 B.B.킹은 멤피스에서 디스크 자키로 활동하며 연예계에 발을 디뎠고, 세계 제 2차대전에 참전하기도 했다. 동시에 라일리 B. 킹(Riley B. King)이라는 본명 대신 '빌 거리의 블루스 보이(he Beale Street Blues Boy)' B.B.킹으로 불리기 시작했다. 


1949년 첫 앨범 '미스 마사 킹'을 발표한 뒤 '스리 어클락 블루스'(1952) '유 업셋 미 베이비'(1954), '스위트 식스틴'(1960)', '더 스릴 이즈 곤'(1969) 등 수많은 히트곡을 발표하며 인기를 모았다. 이후 70년 가까이 사랑받으며 명실상부한 블루스의 왕에 등극했다. 


B.B.킹은 1980년 블루스 명예의 전당과 1987년 로큰롤 명예의 전당에 모두 이름을 올렸으며, 2011년 미국 롤링스톤지가 선정한 '가장 위대한 기타리스트 역대 100인'에서 6위에 뽑히기도 했다.

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Posted by A la joie
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오늘 어버이 날에 접한 충격적인 사건이다.

위태위태했던 일이 벌어졌다.

자살은 죽는 사람이 아니라 살아있는 사람을 힘들게 한다.

살아있는 사람들이 그 일이 나 때문 혹은 우리 때문에 죽었다라고 생각하는 순간이 오면 

예상치 못한 일들이 일어나게된다.

한국 사회는 이 일을 외면하려고 하지만, 이 일을 외면할 수 없는 사건이다.

잊는 척하면 된다고 생각하는 이 가식적인 사회의 예상된 결과에 눈물이 난다.

무섭고 이 일로 인해 벌어질 일들이 눈에 보여 겁이 난다.

참기 힘든 그 일을 도와주지 못하는 이 사회가, 무력함의 극치에 달한 이 사회가 웃고 있는 

꼴이 정내미가 떨어진다....



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벤 E. 킹, 미국 가수 2015-05-01

【서울=뉴시스】이재훈 기자 = 한국인의 애창 팝송 곡 중 하나인 '스탠드 바이 미'의 미국 R&B 가수 벤 E. 킹(76·Ben E. King)이 별세했다. 

2일 AP통신 등 외신에 따르면, 벤 E. 킹은 지난달 30일(현지시간) 뉴저지 주 해컨색 대학병원에서 노환으로 숨을 거뒀다. 

'데어 고스 마이 베이비(There Goes My Baby)' '스패니시 할렘(Spanish Harlem)' 등으로도 유명한 고인은 1938년 노스캐롤라이나에서 태어났다. 

1950년대 후반 미국 R&B 그룹 '드리프터스'에서 리드보컬로 본격적인 가수 생활을 시작했다. 이 팀은 '세이브 더 라스트 댄스 포 미' 등의 히트곡을 내며 인기를 끌었다.

하지만 1960년대 초반 팀의 불화가 감지됐고 따듯한 미소와 트레이드 마크인 콧수염으로 멤버 중 특히 인기를 끌던 벤 E. 킹은 솔로로 전향했다. 

벤 E. 킹, 미국 가수 2015-05-01

1961년 발표한 '스탠드 바이 미'를 통해 솔로 가수로서 스타덤에 올랐다. 전주부의 리듬감 있는 베이스와 애절한 보컬이 특징인 이 곡은 당시 R&B 차트를 석권했다. 

영국의 전설적인 록밴드 '비틀스'의 존 레넌(1940~1980) 등 동료·후배 가수들이 수백 번 리메이크를 했다. 리버 피닉스(1970~1993)가 주연한 영화 '스탠드 바이 미'(1986)의 주제곡으로 삽입돼 다시 인기를 끌기도 했다. 

벤 E. 킹은 이 곡의 이름을 딴 '스탠드 바이 미 재단'을 설립, 자선활동도 벌였다.


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