르네 지라드

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DISPARITION

L’académicien René Girard est mort

Par AFP — 5 novembre 2015 à 06:58
Portrait du philosophe René Girard pris le 29 avril 2004 sur le plateau de l'émission 'Culture et dépendances' enregistrée au siège de France Télévision à Paris
Portrait du philosophe René Girard pris le 29 avril 2004 sur le plateau de l'émission "Culture et dépendances" enregistrée au siège de France Télévision à Paris Photo Francois Guillot. AFP

Le philosophe et académicien français René Girard est décédé mercredi à l'âge de 91 ans aux Etats-Unis.

Il était surnommé «le nouveau Darwin des sciences humaines». Le philosophe et académicien français René Girard est décédé mercredi à l’âge de 91 ans aux Etats-Unis, a annoncé l’université de Stanford où il a longtemps enseigné.

«Le renommé professeur français de Stanford, l’un des 40 immortels de la prestigieuse Académie française, est décédé à son domicile de Stanford mercredi des suites d’une longue maladie», a indiqué l’université californienne dans un communiqué.

Largement traduite, souvent admirée hors de nos frontières, comme aux Etats-Unis ou en Italie, l’oeuvre de René Girard reste assez mal connue du grand public en France. «Pour un intellectuel qui a longtemps été considéré comme un auteur à contre-courant et atypique, l’élection à l’Académie est une forme de reconnaissance», déclarait-il au quotidien La Croix le 15 décembre 2005, jour de sa réception à l’Académie française.

«Je peux dire sans exagération que, pendant un demi-siècle, la seule institution française qui m’ait persuadé que je n’étais pas oublié en France, dans mon propre pays, en tant que chercheur et en tant que penseur, c’est l’Académie française», avait-il expliqué ce jour-là dans son discours devant les Immortels.

S’il était parfois négligé en France, ses livres traduits dans le monde entier «ont offert une vision audacieuse et vaste de la nature, de l’histoire et de la destinée humaine», selon l’université Stanford.

Ecritures saintes et grands classiques

Girard a commencé sa carrière en tant que théoricien littéraire fasciné par toutes les sciences sociales: histoire, anthropologie, sociologie, philosophie, religion, psychologie et théologie. «Il a influencé des écrivains tels que le prix Nobel J.M. Coetzee et l’écrivain tchèque Milan Kundera même s’il n’a jamais joui du cachet de ses pairs structuralistes, post-structuralistes, déconstructionistes et autres», poursuit le communiqué de Stanford.

Chrétien, né le jour de Noël 1923 en Avignon, il a beaucoup écrit sur la diversité et l’unité des religions. Cet humaniste dont le père était conservateur de la bibliothèque et du musée Calvet d’Avignon, puis du palais des Papes, a fondé sa pensée sur les écritures saintes, autant lues que les grands classiques de la littérature (Proust, Stendhal ou Dostoïevski).

Il est connu pour son concept de «désir mimétique», qu’il définit ainsi: «c’est toujours en imitant le désir de mes semblables que j’introduis la rivalité dans les relations humaines et donc la violence». Pour lui, la Bible est une immense entreprise pour sortir l’homme de la violence.

Passé par l’Ecole des Chartes, archiviste-paléographe de formation, René Girard était installé depuis 1947 aux Etats-Unis. Il y a enseigné dans de nombreuses universités comme Duke, Johns Hopkins et surtout Stanford, où il a longtemps dirigé le département de langue, littérature et civilisation française. Docteur honoris causa de nombreuses universités (Amsterdam, Innsbruck, Anvers, Padoue, Montréal, Baltimore, Londres...), il a terminé sa carrière académique à Stanford en 1995, où il vivait depuis.

Il était l’auteur d’ouvrages comme Mensonge romantique et vérité romanesque (1961), La Violence et le Sacré (1972), Shakespeare, les feux de l’envie (prix Médicis essai 90), Je vois Satan tomber comme l’éclair(1999) ou Celui par qui le scandale arrive (2001).

AFP

L'inventeur de la théorie mimétique et penseur d'une anthropologie fondée sur l’exclusion-sacralisation du bouc émissaire s'est éteint mercredi.


René Girard le 29 avril 2004 sur le plateau de l'émission «Culture et dépendances». Photo Francois Guillot. AFP

Membre de l’Académie française, René Girard n’a pourtant pas trouvé place dans l’université française : dans l’immédiat après-guerre, il émigre aux Etats Unis, obtient son doctorat en histoire à l’université d’Indiana, puis enseigne la littérature comparée à la Johns Hopkins University de Baltimore (il organise là un célèbre colloque sur «le Langage de la critique et les sciences de l’homme» auquel participent Roland Barthes, Jacques Lacan et Jacques Derrida, qui fait découvrir le structuralisme aux Américains) et, jusqu’à sa retraite en 1995, à Stanford – où, professeur de langue, littérature et civilisation françaises, il côtoie Michel Serres et Jean-Pierre Dupuy.

Né le jour de Noël 1923 à Avignon, élève de l’Ecole des chartes, il est mort mercredi à Stanford, Californie, à l’âge de 91 ans. C’était une forte personnalité, tenace, parfois bourrue, qui a creusé son sillon avec l’énergie des solitaires, et entre mille difficultés, car le retentissement international de ses théories – dont certains des concepts, notamment celui de «bouc émissaire», sont quasiment tombés dans la grammaire commune des sciences humaines et même le langage commun – n’a jamais fait disparaître les violentes critiques, les incompréhensions, les rejets, encore accrus par le fait que Girard, traditionaliste, a toujours refusé les crédos postmodernes, marxistes, déconstructivistes, structuralistes, psychanalytiques…

Porté par une profonde foi religieuse, fin interprète du mystère de la Passion du Christ, il a bâti une œuvre considérable, qui se déploie de la littérature à l’anthropologie, de l’ethnologie à la théologie, à la psychologie, la sociologie, la philosophie de la religion et la philosophie tout court. Les linéaments de toute sa pensée sont déjà contenus dans son premier ouvrage, Mensonge romantique et vérité romanesque(1961) dans lequel, à partir de l’étude très novatrice des grands romans occidentaux (Stendhal, Cervantes, Flaubert, Proust, Dostoïevski…), il forge la théorie du «désir mimétique» – l’homme ne désire que selon le désir de l’autre –, qui aura un écho considérable à mesure qu’il l’appliquera à des domaines extérieurs à la littérature.

Etre désirant

La nature humaine a en son fond la mimesis : au sens où les actions des hommes sont toujours entreprises parce qu’ils les voient réalisées par un «modèle». L’homme est par excellence un être désirant, qui nourrit son désir du désir de l’autre et adopte ainsi coutumes, modes, façons d’être, pensées, actions en adaptant les coutumes, les modes, les façons d’être de ceux qui sont «autour» de lui. La différence entre l’animal et l’homme n’est pas dans l’intelligence ou quoi que ce soit d’autre, mais dans le fait que le premier a des appétits, qui le clouent à l’instinct, alors que le second a des désirs, qui l’incitent d’abord à observer puis à imiter. C’est ce principe mimétique qui guide les «mouvements» des individus dans la société. De là la violence généralisée, car le conflit apparaît dès qu’il y a «triangle», c’est-à-dire dès que le désir porte sur un «objet» qui est déjà l’objet du désir d’un autre.

Naissent ainsi l’envie, la jalousie, la haine, la vengeance. La vengeance ne cesse de s’alimenter de la haine des «rivaux», et implique toute la communauté, menaçant ainsi les fondements de l’ordre social. Seul le sacrifice d’une victime innocente, qu’une «différence» (réelle ou créée) distingue de tous les autres, pourra apaiser les haines et guérir la communauté. C’est la théorie du «bouc émissaire», qui a rendu René Girard célèbre. En focalisant son attention sur l’aspect le plus énigmatique du sacré, l’auteur de la Violence et le sacré (1972) montre en effet – on peut en avoir une illustration dans le film de Peter Fleischmann, Scènes de chasse en Bavière, où un jeune homme, soupçonné d’être homosexuel, devient l’objet d’une véritable chasse à l’homme de la part de tous les habitants du village – que l’immolation d’une victime sacrificielle, attestée dans presque toutes les traditions religieuses et la littérature mythologique, sert à apaiser la «guerre de tous contre tous» dont Thomas Hobbes avait fait le centre de sa philosophie.

Lorsqu’une communauté est sur le point de s’autodétruire par des affrontements intestins, des «guerres civiles», elle trouve moyen de se «sauver» si elle trouve un bouc émissaire (on peut penser à la «chasse aux sorcières», à n’importe qu’elle époque, sous toutes latitudes, et quelle que soit la «sorcière»), sur lequel décharger la violence : bouc émissaire à qui est ensuite attribuée une valeur sacrée, précisément parce qu’il ramène la paix et permet de recoudre le lien social. Souvent, les mythes et les rites ont occulté l’innocence de la victime, mais, selon Girard, la révélation biblique, culminant avec les récits évangéliques de la Passion du Christ, l’a au contraire révélée, de sorte que le christianisme ne peut être considéré comme une simple «variante» des mythes païens (d’où la violente critique que Girard fait de la Généalogie de la morale de Nietzsche, de la conception «dionysiaque» célébrée par le philosophe allemand, et de l’assimilation entre le Christ et les diverses incarnations païennes du dieu-victime).

Faits et événements réels

Dans l’optique girardienne, il s’agissait assurément de proposer un «autre discours» anthropologique, qui se démarquât (et montrât la fausseté) de ceux qui étaient devenus dominants, grâce, évidemment, à l’œuvre de Levi-Strauss (et, d’un autre côté, de Freud). Ne pensant pas du tout qu’on puisse rendre raison de la «pensée sauvage» en s’attachant aux mythes, entendus comme «création poétique» ou «narration» coupée du réel, René Girard enracine son anthropologie dans des faits et des événements réellement arrivés, comme des épisodes de lynchage ou de sacrifices rituels dont la victime est ensuite sacralisée mais qui se fondent toujours, d’abord, sur des accusations absurdes, comme celles de diffuser la peste, de rendre impure la nourriture ou d’empoisonner les eaux.

La théorie mimétique et l’anthropologie fondée sur l’exclusion-sacralisation du bouc émissaire, sont les deux paradigmes que Girard applique à de nombreux champs du savoir, et qui lui permettent de définir un schéma herméneutique capable d’expliquer une foule de phénomènes, sociaux, politiques, littéraires, religieux. Son travail, autrement dit, visait à la constitution d’une anthropologie générale, rationnelle, visant à une explication globale des comportements humains. C’est sans doute pourquoi il a suscité tant d’enthousiasmes et attiré tant de critiques. On ne saurait ici pas même citer toutes les thématiques qu’il a traitées, ni les auteurs avec lesquels il a critiquement dialogué. Ce qui est sûr, c’est que René Girard a toujours maintenu droite la barre de son navire, malgré les vents contraires, et, à l’époque de l’hyper-spécialisation contemporaine, a eu l’audace de formuler une «pensée unitaire» qui a fait l’objet de mille commentaires dans le monde entier, parce que vraiment suggestive, et dont l’ambition était de mettre à nu les racines de la culture humaine. «La vérité est extrêmement rare sur cette terre. Il y a même raison de penser qu’elle soit tout à fait absente.» Ce qui n’a pas été suffisant pour dissuader René Girard de la chercher toute sa vie.

A LIRE AUSSIle portrait de René Girard du 4 janvier 2003.

Robert Maggiori


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Posted by A la joie
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